Que signifie exactement la notion de « marque employeur » ?
Jean‑Baptiste Audrerie : C’est la façon dont une entreprise est perçue, en tant qu’employeur, par ses parties prenantes : les étudiants, les candidats, mais aussi ses clients, ses partenaires et ses salariés. Vous remarquerez que cette définition va bien au‑delà de l’image que l‘on souhaite renvoyer aux candidats.
Pour façonner leur marque employeur, les entreprises vont actionner des leviers aussi explicites que leur politique de rémunération, ou beaucoup plus abstraits comme les valeurs qu’elles affichent. L’objectif étant de créer une vraie cohérence, une image parfaitement lisible aussi bien en interne qu’à l’externe.
Pourquoi est‑il important de travailler sa marque employeur ?
J.-B.A : Les enjeux sont multiples et très concrets. La marque employeur influence l’attractivité de l’entreprise : sa capacité à recruter mieux – c’est-à-dire les meilleurs profils – et plus rapidement, donc à moindres coûts. Mieux recruter, c’est aussi garantir un turn over plus faible, donc moins de frais liés au renouvellement des équipes. Une marque employeur forte agit comme un cercle vertueux, jusqu’à favoriser la cohésion et le sentiment d’appartenance des équipes.
Derrière ces aspects très pragmatiques, n’oublions pas que c’est le développement même de l’entreprise qui dépend du recrutement : ce sont ses salariés qui portent l’activité, la relation client, l’innovation…
C’est parce que ces enjeux sont si importants que le sujet marque employeur semble dépasser la seule sphère des RH ?
J.-B.A : La marque employeur est devenue un sujet stratégique, qui doit être traité comme tel par l’entreprise. Historiquement, le recrutement était l’affaire des ressources humaines. Puis la communication s’est impliquée. Aujourd’hui, c’est un dossier qui doit être piloté par les directions générales.
La marque employeur va se nourrir de l’image de marque de l’entreprise, de la réputation de ses dirigeants comme de ses produits, mais aussi de toutes les idées qui entourent son secteur d’activité, de l’actualité…
Qu’est-ce qui a changé pour que le sujet devienne à ce point stratégique ?
J.-B.A : Outre les enjeux financiers et de compétitivité, c’est la relation entre les entreprises et leurs publics qui s’est transformée : nous avons face à nous des candidats hyper connectés, rompus au discours des marques, plus exigeants. Toutes les études le montrent : les préoccupations des candidats ont changé. Des critères comme la qualité du cadre de travail, la philosophie de l’entreprise, les perspectives d’évolution sont devenus primordiaux. Promettre un poste et un salaire ne suffit plus. Les candidats veulent des perspectives dans un cadre attirant.
Vous utilisez beaucoup le terme « marketing RH ». Pourquoi ?
J.-B.A : Nous sommes entrés dans l’ère du marketing de la relation. Il s’agit de séduire à partir d’une posture et de messages, pour « vendre » l’entreprise. Le « candidat client » est un vrai phénomène. D’où l’adoption d’outils de marketing de contenus pour attirer son attention, le faire adhérer au discours. Mais les candidats ne sont plus dupes. L’enjeu est désormais de passer de l’intention à la perception : afficher ses valeurs ne suffit plus ; il s’agit de prouver qu’elles sont réelles, les incarner, les illustrer. Je ne te dis plus qui je suis, je te le montre.
Comment se construit une bonne marque employeur ?
J.-B.A : D’abord, il est nécessaire d’adopter une approche très marketing : quel est mon objectif ? Où voulons‑nous être dans 5 ans et de quels talents avons‑nous besoin pour y arriver ? Quelle est mon audience et quel message lui faire passer ? Avant de se lancer, l’entreprise doit faire le point sur l’image qu’elle renvoie. Rien n’est plus inefficace qu’un message marque employeur en décalage total avec ce que le public ou les salariés pensent de l’entreprise.
Il est aussi important d’impliquer au maximum en interne. Le personnal branding des collaborateurs – notamment les dirigeants et les collaborateurs les plus actifs sur les réseaux comme LinkedIn – doit être intégré à la stratégie. Car en tant que porte‑parole, ils y participent inévitablement, même sans en être conscients. Face à un public qui réclame des faits et des preuves, les salariés deviennent les premiers ambassadeurs de l’entreprise. Enfin, je conseille aux entreprises de s’ouvrir au monde, de montrer comment les choses se passent dans leurs murs. Par exemple, au lieu d’afficher simplement un succès commercial, raconter l’histoire qui l’a entouré et comment les équipes y sont arrivées. Et ce, avec des photos, des vidéos, des récits vivants et même, si possible, le témoignage du client.
N’est-ce pas paradoxal d’investir autant dans sa marque employeur quand les taux de chômage n’ont jamais été aussi élevés ?
J.-B.A : Au contraire, cela me semble très logique. Les entreprises font face à une masse de candidatures, un flux ininterrompu de sollicitations. Elles doivent gérer une énorme demande d’informations. Pour celles qui recherchent des profils précis, cela peut coûter extrêmement cher de trier, sélectionner et finalement mal recruter. Dans ce contexte, disposer de filtres qualitatifs efficaces n’a jamais été aussi important.