Depuis quand vous intéressez vous au phénomène des réseaux sociaux d’entreprises ?
Depuis plus de 10 ans. Au-delà du réseau social, ce qui m’intéresse ce sont les stratégies mises en œuvre par les entreprises pour transformer leur organisation, et comment elles se préparent au lancement d’un RSE.
L’un de vos rapports sur le sujet a montré que ces réseaux ne fonctionnent pas si bien…
Cette étude menée avec la chaire Intelligence RH et RSE de l’IGS (2017) s’intitule : « Mode collaboratif ou collaboratif à la mode ? Pourquoi les réseaux sociaux peinent encore à développer des comportements collaboratifs ». Notre démonstration a consisté à compter le nombre de contributions dans les groupes. L’objectif était d’observer comment le dispositif décloisonne, met en relation des collaborateurs qui ne se connaissent pas, dans des lieux différents, mais qui rencontrent les mêmes problématiques.
Quel est votre diagnostic ?
En fait, une hiérarchie virtuelle se reconstitue. Car le réseau social d’entreprise est lancé et animé par des managers. Rares sont les salariés qui osent contribuer ou même adhérer à un groupe qui n'est pas créé par leur responsable. De plus, nous nous tournons naturellement vers de gens que nous connaissons déjà. Durant nos interviews, nous avons noté une remise en question des compétences de personnes que nous ne connaissons pas. Pour donner du prix à une information, il faut d’abord connaître la valeur de celui qui me la donne.
Comment engager l’ensemble des collaborateurs ?
Il faut d’abord être conscient de ce réflexe de protection. Devant l’inconnu, le collaborateur va vouloir connaître la compétence de celui qui lui parle, des enjeux politiques qui peuvent se cacher derrière certains propos. S’il donne des informations à quelqu’un dans une autre équipe potentiellement rivale, est-ce qu’il ne joue pas contre son camp ?
Pour lutter contre ses peurs, il faut donner un maximum de règles claires et concrètes et mettre en avant les valeurs fondamentales du réseau : le partage, la solidarité, etc. Bref, créer une charte éditoriale propre au réseau social d’entreprise.
Tout le monde n’est pas à l’aise à l’écrit, comment passer outre cette barrière ?
En effet, la question de l’orthographe et de la grammaire est un point de plus en plus discriminant. Il faut relativiser. Tout le monde laisse passer des fautes toutes les trois lignes, ce n’est pas très grave. Et puis, c’est en interne.
La vraie problématique concerne le style de langage. De nombreuses tonalités cohabitent dans notre quotidien : le langage SMS synthétique, une tonalité plus légère sur Facebook… L’absence de précision sur le niveau de langage que je peux adopter, comment je me comporte sur le RSE bloque son accès. D’où l’important de la charte.
Pourquoi formaliser une ligne éditoriale propre au réseau social interne ?
Nous savons comment écrire un mail à notre banquier, mais nous ignorons quel registre adopté sur un RSE. Il y a un manque à ce niveau-là, ce n’est pas encore mur et stabilisé.
Vous avertissez aussi sur l’importance de sensibiliser à la responsabilité numérique, c’est-à-dire ?
Pour inciter les collaborateurs à agir sur le réseau, il faut les rassurer et lever les barrières. Par exemple en précisant que nul ne peut être inquiété par ce qu’il postera. Tout en posant des limites évidemment !